Eunice Lou Beugre : « Les meilleures victoires sont celles qui vous laissent votre intégrité ett un sourire en fin de combat »

Publié le par chicenpagne

Présidente de la Fondation les Amis d’Oume, femme battante et habitée de convictions  nobles, Eunice Lou Beugre accepte de se prêter au jeu de l’interview et partage avec nous son histoire.

 

CHIC EN PAGNE : Quel est votre parcours ? 

 

Mme EUNICE LOU BEUGRE : Née en Côte d`Ivoire où j’ai fait mon parcours scolaire jusqu`en classe de Terminale, pour la plupart du temps à l`internat depuis mon primaire déjà, mais aussi à l`intérieur du pays, notamment à Yamoussoukro et Tiassalé. 

Puis en 1994 ce fut le départ pour l’Europe où j`ai d’abord vécu au Danemark, ensuite en France et maintenant au Royaume-Uni (Angleterre) où je vis avec mes deux jeunes filles que je considère plus comme des sœurs et amies que mes enfants. Je suis donc multiculturelle et multilingue. J`ai une formation en management Tourisme et Evènementiel du Copenhagen Hotel-and Restaurant International School au Danemark.

Du fait de raisons familiales, j`ai plutôt exercé dans des restaurants  / clubs périscolaires et universitaires au Danemark et en France, un peu au détriment de ma formation d`origine (tourisme et évènementiel) nécessitant de nombreux déplacements. 

Inconditionnelle du peut-mieux-faire, j`ai également crée mon entreprise de commerce de produits exotiques, toujours visant à faire découvrir et redécouvrir ce qui se fait ici et ailleurs. Il faut dire aussi que j`ai toujours eu de l’intérêt pour la culture des peuples, leurs histoires, leurs diversités, le voyage, la découverte et l’éducation. L`adage qui me décrirait le mieux serait certainement : ‘‘on ne finit jamais d`apprendre. ’’ (rire)

Ainsi c`est sans grande surprise qu`à mon arrivée au Royaume-Uni, je me reconvertis en travailleuse sociale auprès de diverses communautés étrangères en mal d`intégration puis en difficulté d’apprentissage en milieu scolaire. Un métier qui me procure grande satisfaction aussi bien pour mon épanouissement personnel que pour celui des personnes rencontrées.

Cet échange me procurera donc l’énergie nécessaire pour faire voir le jour à un projet commun à mon défunt père et moi ; celui de la création de la Fondation des Amis d’Oumé (FONDAME) pour assister les populations du département d’Oumé en Côte d’Ivoire, sur le plan du développement social et économique. Etre un peu comme le prolongement des autorités départementales auprès des populations urbaines, de même que celles du milieu rural. 

Je profite d`ailleurs de l`occasion qui m`est offerte pour remercier Monsieur Le Préfet d’Oumé, Le Maire de cette commune, les chefs de villages ; celui de Yaofla en particulier (l’honorable Koffi Diby Guy-Hollang), les présidents d’associations, les présidents de jeunes, les mutuelles \ les coopératives villageoises et bien d`autres autorités du département qui nous ont accueillis et soutenus de façon effective lors de notre récente mission de sensibilisation auprès d’eux à Oumé.eunice-lou.jpg

 

CHIC EN PAGNE : Quelle est votre principale arme qui vous a permis d'arriver jusque-là ? 

 

Mme EUNICE LOU BEUGRE : Je dirai mon ouverture d`esprit depuis mon jeune âge. J’ai d`abord eu le privilège d’avoir un père éducateur qui croyait fermement aux bienfaits de la connaissance et de l’échange culturel, le tout dans une ambiance bon enfant. Pour la petite histoire : chaque vacances scolaires il organisait des tournois et des kermesses au village et nous y trainait tous avec la seule intention de nous faire connaitre l’origine des aliments que nous consommions allègrement sous son toit à Abidjan (rire) ! J`y ai découvert certes les différentes cultures et les types d’élevages mais aussi la difficulté du style de vie des enfants de mon âge à l’époque en milieu rural ; résultat : grande prise de conscience et de compassion pour autrui. A cela s’ajoute mon enfance passée chez mon oncle dont l’épouse est européenne, encore une autre culture sans oublier ma scolarisation passée à l’internat donc loin du milieu familial. Je peux vous assurer que tout cela vous ouvre l’esprit, éveille votre conscience et vous confère une certaine maturité si on peut ainsi dire précoce. 

 

CHIC EN PAGNE : Pourquoi avez-vous décidé de créer une fondation ? 

  

Mme EUNICE LOU BEUGRE : J’ai déjà quelque peu énuméré des éléments de réponses dans mes deux premières réponses. En fait, mon feu père et moi-même avions en son temps recensé un certain nombre de difficultés rencontrées par les populations des milieux ruraux sur le département. Il s’en est suivi une réflexion sur un ensemble de solutions visant à sensibiliser, éduquer et guider les populations rurales surtout la petite enfance, la jeunesse et la femme vers les bons réflexes pour s’assurer une économie de survie s’étalant sur toute l’année et qui viendrait renforcer le traditionnel revenu annuel du café et du cacao qui sont les principales cultures du département. Redynamiser donc l’économie des petits planteurs aux fins de leur permettre de maintenir leurs enfants en éducation.

L’éducation, la formation, l’alphabétisation, le soutien scolaire, l’animation socioculturelle des vacances scolaires, une plateforme d’insertion et bien d’autres services d’accompagnement pour enfant, jeunes désœuvrés, femmes et paysans sont les objectifs visés par la création de la FONDAME qui est une ONG apolitique, sans aucune restriction, ni de religions, de races ou d’ethnies. Son lieu géographique d’action est le département d’Oumé mais elle reste ouverte à tous sans restriction. Pour résumer, la FONDAME se définit comme un vaste ensemble de petits projets ; elle est ouverte à toute collaboration d’avec les autres structures déjà en place sur le département ou ailleurs avec pour objectif d’assister, de supporter et de guider les populations en milieu rural, dans leur milieu d’origine ; permettre tout simplement aux familles de paysans du département d’Oumé de prétendre à une ébauche aussi modeste soit-elle de développement économique et social, avec l’aide de sponsors et de partenaires.

N`avons-nous pas tous droit à l’espoir d’un lendemain meilleur ?

 

CHIC EN PAGNE : Quelle valeur souhaitez-vous incarner en tant que femme active ?

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Mme EUNICE LOU BEUGRE : Sans hésitation, je dirai la Femme Mère, la Combattante Enjouée. 

Pour moi, le plus important est surtout de conserver ma féminité dans tout ce que j’entreprends. Il est hors de question que j’abandonne un brin de ma féminité pour revêtir le costume d’homme d’affaire sans pitié. Je me le répète souvent afin d’attiser ma patience tout en rectifiant mon tir pour avancer que les meilleurs victoires sont celles qui vous laissent votre intégrité et un sourire en fin de combat. Il est possible bel et bien de faire l’alliage entre tous ces types de femmes car elles ont toutes quelque chose de remarquable en elles. Si l’on arrive à trouver les points forts à toutes, l’on peut bien évidemment les réunir en UNE seule en travaillant sur soi tout en demeurant l’éternelle imprévisible comme le souhaite Dame Nature (rire). Le bon dosage en tout !

Nos mamans nous l’ont d`ailleurs bien démontré en leurs temps : femme soumise, mère au foyer, régisseuse de la maison, éducatrice en chef des enfants, commerçante au coin de la rue et tout cela sans servante ni électroménager et nous voilà aujourd`hui... de vraies Battantes en somme. 

Les occupations ont peut-être évolué mais la Femme Honorable, de qualité et de Valeur a toujours le même emploi du temps. Et c’est bien à cette femme-là que je veux m’identifier en tant que FEMME ACTIVE, en apportant aux cotés de nos hommes quelques pansements aux maux qui sévissent dans nos maisons et notre société. Toutes les pierres de l’édifice ont leur importance.

 

CHIC EN PAGNE : Quelle relation entretenez-vous avec le pagne ? 

  

Mme EUNICE LOU BEUGRE : Je dois dire que je n’ai pas le privilège de savoir porter le pagne ; je le porte donc rarement. Mon regard sur le pagne est par conséquent culturel. Le pagne est un excellent outil culturel qui parle d’un pays, d’un peuple, d’une race, d’une ethnie, d’un groupe donné, d’un évènement donné ... Les promotions en Afrique ont d’ailleurs pour coutume de choisir un motif de pagne par lequel elles se reconnaitront. Avoir ce pagne signifierait être issue de telle promotion ou de tel groupe.

Ce qui nous amène à remarquer également que le pagne est un outil de communication. Je souris en repensant aux divers motifs qui ont tous des noms et une histoire ; ainsi, nos mamans soumises qui n’oseraient pas lever le ton face aux maitres de maison, porteraient un pagne bien déterminé pour lui passer le message " si tu sors, je sors " ou afficher sa fierté d’épouse dans son " Mari capable " ou encore une présumée rivale n’aurait qu’a bien se tenir et voir la maman se déhancher dans son " l’œil de ma rivale ", etc. Nos pagnes de régions également qui présentent bien nos coutumes comme dans la 1ère catégorie citée. C’est d’ailleurs dans ce cadre que LA FONDAME aide à mettre sur pied la 1ère édition du pagne Gouro, LE VAKA, qui devrait réunir les différents pagnes de toutes les régions Gouros et promouvoir leur savoir-faire auprès de la jeunesse, qui par souci de survie, se retrouve en ville. 

Nous avons invité la responsable de BUTTERFLY (Chic En Pagne) à nous accompagner dans cette promotion qui concerne en majorité la femme en milieu rural et bien entendu le pagne traditionnel africain.

 

CHIC EN PAGNE : Pensez-vous que l'organisation de votre gala de charité vous permettra d’avoir un écho favorable pour vos activités ? 

 

Mme EUNICE LOU BEUGRE : Pour des raisons indépendantes de notre volonté, notre gala à Londres n’a pu se tenir à la période initialement arrêtée ; il a été remis à une date ultérieure. Néanmoins,  nous avons tout de même avancé sur notre programme de présentation de la Fondation des Amis d’Oumé et de sensibilisation durant les vacances et le ciel aidant, nous avons pu obtenir la surface nécessaire à la construction de notre centre socioculturel aéré et de formation. Nous ne pouvons mentionner l’acquisition de ce terrain sans remercier les autorités de la ville et le chef de village de Yaofla à Oumé où se situera donc ce centre, par ailleurs siège de notre fondation. La fondation a reçu un tel intérêt et un accueil des plus chaleureux qui ont, à notre grande surprise, abouti à une invitation à prendre part aux préparatifs du festival LE VAKA mentionné plus haut. 

Ceci nous honore et nous réjouit à la FONDAME, car cette opportunité nous permettra de mobiliser et sensibiliser un plus grand nombre de villages à nos différentes actions d`aide disponibles pour eux. Je suis donc plus que satisfaite de l’avancée des choses et je dois vous dire que pour ce qui est de la Côte d’Ivoire, que nous prévoyons également un gala, à une date qui sera communiquée au moment opportun et cela, à l’effet de venir appuyer les activités entreprises sur place à Oumé.

 

CHIC EN PAGNE : Quelle est votre opinion sur la place de la femme dans la société ivoirienne ?

 

Mme EUNICE LOU BEUGRE : Ma plus belle surprise est l’évolution de la Femme Ivoirienne au sein de la société. Sans toutefois vouloir m’attirer les foudres de la gente masculine, on a eu comme l’impression qu’à force d’être maltraitée ou à refuser la considération et la reconnaissance qu’on lui doit, la femme ivoirienne des années 90, discrète et bien rangée derrière l’homme, est devenue entreprenante avec son portefeuille bien à elle. 

Une sœur dont je tairais le nom ici et moi plaisantons souvent sur ce revirement de situation en disant qu’elle en a eu marre d’être à la maison sans les sous pendant que le mari et les "maitresses" se rassasient dehors ; elle a alors décidé de devenir chef d’entreprise et "maitre" à son tour. (rire)

Je suis forcement fière de la Femme Ivoirienne mais je n’ignore pas le pourcentage qui a choisi le plus vieux métier sur terre et qui se tient d’un autre côté ; je souhaite que l’ivoirienne prenne conscience de sa valeur et fasse la promotion des valeurs capitales qu’elle est censée incarner : belle, intelligente, battante, naturelle... la femme ivoirienne est d’ailleurs la 1èrepromotrice de notre culture par sa tenue pagne qu’elle revisite selon la mode à l’extérieur, l'artisanat de chez nous qu'elle revisite également à souhait. La sous-région lui reconnait d’ailleurs sa place de choix au niveau de sa tenue. Il ne nous reste plus qu’à se serrer les coudes pour aller loin. 

Faire tomber cette barrière que la chasse au matériel a instauré entre les générations ; une compétition sans état d’âmes entre plus jeunes et adultes, mariées et célibataires, citadines et villageoises... bref  rétablir le sens de la moralité et du civisme qui engendrera une collaboration où l’on se passe les savoirs de génération en génération, de la ville au village ; la jeune fille apprend de l’adulte qui elle-même l’a apprise de la vieille puis toutes ensemble nous l’apprendrons à la petite fille.

Notre rôle de femme est de ramener ou réparer, donner ou redonner vie. 

Nous avons toutes quelque chose à apprendre de l’autre et notre diversité est notre richesse. Le tout est d’en prendre conscience et faire connaissance entre nous, au travers de colloques et semaines de promotions diverses. Allons les unes vers les autres découvrir et échanger sur nos domaines respectifs. 

Il nous appartient de dire non à certains phénomènes pour qu’ils prennent fin. (...)

 

CHIC EN PAGNE : Votre dernier mot ?

 

Mme EUNICE LOU BEUGRE : Toutes mes félicitations et encouragements à l’agence BUTTERFLY et son concept CHIC EN PAGNE qui est déjà une référence. Vous avez notre soutien inconditionnel dans cette promotion de la Femme et du Pagne Africain. Pour terminer, Remerciements du fond du cœur pour cette opportunité que vous nous donnez de nous exprimer. Il n’est pas facile de parler de soi mais j’espère avoir pu communiquer quelque chose à vos lectrices et lecteurs.

Par Amenan Tanoh

Publié dans BUTTERFLY

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